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Les Afghans vont-ils fuir leur pays ?

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Les Afghans vont-ils fuir leur pays ?

► Faut-il s’attendre à un exode migratoire ?Dans son allocution lundi 16 août au soir, le président Emmanuel Macron a brandi la menace de « flux migratoires irréguliers importants » venus d’Afghanistan contre lesquels la France va devoir se « protéger ». « Pour l’instant, les Afghans sont enfermés dans une cage, ils ne peuvent pas arriver jusqu’en Europe parce qu’ils n’ont pas de moyens de sortie », tranche vertement la cofondatrice du centre de recherches Samuel-Hall à Kaboul, Nassim Majidi.Il est difficile pour l’heure d’évaluer l’importance d’un éventuel regain de flux migratoire au départ de l’Afghanistan. Depuis la prise du pouvoir par les talibans le 15 août ne reste que l’aéroport de Kaboul comme seule voie d’échappatoire. Et encore ne concerne-t-elle qu’une minorité aisée d’Afghans disposant de visas. Les moins fortunés ont fui, quand ils le pouvaient, par voie terrestre, vers le Pakistan ou l’Iran. D’après Nassim Majidi, 40 000 Afghans ont quitté leur pays chaque semaine à la faveur de l’avancée des talibans dans le pays.Fin 2020, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) comptabilisait près de 1,5 million de réfugiés afghans au Pakistan et 780 000 en Iran installés pour certains de longue date. L’arrivée des talibans a précipité leur exode au point que l’Iran a annoncé dès dimanche 15 août la construction de camps dans trois provinces pour accueillir les réfugiés le temps que « la situation s’améliore en Afghanistan ».« De toute évidence, le contrôle à la frontière iranienne va être souple », estime le chercheur Farid Vahid, spécialiste du Moyen-Orient à la Fondation Jean-Jaurès. « L’opinion publique iranienne est pour l’aide aux réfugiés afghans. Il y a vingt ans, ceux qui ont fui les talibans sont majoritairement restés en Iran. Mais aujourd’hui la situation est différente. L’Iran n’est pas économiquement prospère, et s’ils ne trouvent pas de travail, les Afghans vont sûrement être poussés à quitter le pays pour la Turquie. »Ankara s’était déjà préparé à une telle éventualité et a entamé la construction d’un mur de 295 kilomètres de long à sa frontière avec l’Iran pour stopper le flux de réfugiés. Le pays en accueille aujourd’hui 4 millions, dont 3,6 millions de Syriens. Les Afghans constituent la deuxième nationalité la plus représentée.► Quelle réponse la France peut-elle apporter face à l’éventuelle arrivée d’Afghans ?Il y a d’abord ce qui relève de l’urgence absolue. Emmanuel Macron s’est engagé à « mettre en sécurité » les Afghans qui ont travaillé pour l’armée française. Près de 800 personnes ont déjà été évacuées à ce titre. De plus près de 600 employés afghans des structures françaises ont aussi été pris en charge avec leur famille. Enfin la France devrait aussi accorder un visa aux « défenseurs des droits, artistes, journalistes, militants (…) menacés en raison de leur engagement », a promis Emmanuel Macron.Mais, d’après le député LR Aurélien Pradié, président du groupe d’amitié France-Afghanistan, « il reste 80 à 100 Afghans collaborateurs de l’armée qui nous ont aidés mais dont nous avons moins la trace ». « Les personnels des ONG sont aussi dans le viseur, ajoute-t-il, et nous avons encore plus de mal à les identifier. »« Les Afghans menacés auront toujours besoin de protection dans les mois et années qui viennent. Il y a une position française en faveur des droits de l’homme à assumer dans la durée », estime Jean-François Ploquin, directeur général de l’association de défense des réfugiés Forum réfugiés-Cosi. Alors qu’Emmanuel Macron a indiqué son intention de « nous protéger contre les flux migratoires irréguliers importants », Jean-François Ploquin recommande d’assurer des voies de migration légales via « des visas donnés dans les consulats des pays limitrophes plutôt que de laisser les gens traverser l’Europe illégalement ».Ces dernières années, le taux de protection des Afghans, première nationalité des demandeurs d’asile en 2020, a fortement diminué, passant de 84 % en 2017 à moins de 65 % en 2020. Les menaces accrues devraient théoriquement aboutir à augmenter cette protection. Tout comme elles devraient permettre aux Afghans actuellement déboutés de leur demande d’asile de réclamer un réexamen de leur dossier, comme le prévoit la loi. Ou encore d’accepter de traiter en France le dossier d’Afghans « dublinés » – enregistrés dans un autre pays européen – mais qui ont des liens forts, familiaux par exemple, avec notre pays plutôt que de les renvoyer vers d’autres États de l’UE.► Et l’Europe ?Depuis le début de l’année, 550 000 Afghans ont été déplacés à l’intérieur de leur pays en raison du conflit qui opposait le gouvernement aux talibans, selon le HCR. Avec la prise de Kaboul par les insurgés, le nombre de candidats à l’exil est sans doute amené à augmenter. Le HCR a appelé les États à « mettre fin aux retours forcés de ressortissants afghans » vers le pays, y compris les demandeurs d’asile dont la demande a été rejetée.En Europe, la question migratoire divise. Le 5 août, l’Autriche, le Danemark, la Grèce, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique avaient adressé une lettre à la Commission européenne demandant le maintien des rapatriements vers l’Afghanistan malgré la détérioration de la situation du pays. Certains, comme l’Allemagne, se sont rétractés et ont suspendu les retours forcés. La France, la Suède ou la Finlande ont pris la même décision.La politique migratoire reste avant tout la prérogative des États et non celle de l’Union. « Les États répondent en ordre dispersé », observe Pierre Berthelet, professeur de droit public à l’université de Strasbourg. Malgré l’appel d’Emmanuel Macron à « une réponse responsable et unie », la mise en place d’une politique migratoire commune échoue depuis plusieurs années. « Les présidences européennes se sont succédé sans parvenir à faire aboutir les discussions pour harmoniser les critères de l’asile. La France prendra la présidence de l’UE en janvier 2022. Mais le contexte de la campagne présidentielle ne sera pas le meilleur pour faire aboutir ce genre de discussions », redoute Jean-François Ploquin de Forum réfugiés-Cosi.« Au mieux on peut espérer une coopération minimale sur l’accueil de petits nombres d’Afghans », estime Pierre Berthelet. Le sujet sera en tout cas abordé lors d’une réunion d’urgence des ministres de l’intérieur européens prévue ce mercredi 18 août, et qui portait initialement sur la situation à la frontière entre la Lituanie et la Biélorussie.Selon le chercheur, l’UE pourrait se contenter, comme elle le pratique avec nombre de pays tiers, de proposer une aide financière aux premiers pays d’accueil comme l’Iran et le Pakistan, pour tenter d’endiguer les départs vers l’Europe. Seul, pour l’heure, le Canada s’est dit prêt à accueillir 20 000 familles afghanes. Le Kosovo, la Macédoine du Nord, l’Albanie et le Monténégro ont également ouvert leurs portes.


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